20 février 2008

Le wall street journal et le devenir des fonderies aluminium

"Reléguée dans les ligues mineures

Une nouvelle génération de colosses mondiaux, favorisée par l'envolée des prix des produits de base, de curieux phénomènes géographiques et l'interventionnisme de certains États, a transformé Alcoa, une robuste entreprise américaine, en une espèce de demi-portion.
Maintenant, Alcoa est devant un dilemme stratégique qui guette une bonne partie de l'industrie américaine : estce plus rentable de combattre ces nouveaux acteurs, de déposer les armes ou encore, de demeurer sur la réserve et d'espérer qu'ils se plantent ?

La décision ne dépendra probablement pas de Pittsburgh, qui abrite le siège opérationnel d'Alcoa, mais bien de l'issue de certaines intrigues commerciales qui se trament à Melbourne, en Australie, à Zug, en Suisse, ou encore à Rio de Janeiro et à Moscou.
Profitant d'un boom de dépenses d'après-guerre, l'Aluminum Company of America grimpa dans l'indice Dow Jones industriel en 1959.

Pendant de nombreuses décennies, Alcoa et Alcan Inc., sa rivale canadienne, «allaient avoir le monde à leurs pieds», déclare Magnus Ericsson, qui suit le secteur des métaux pour la firme Raw Materials Data, à Stockholm.
«À présent, les Russes ont consolidé leurs entreprises et les Chinois les imiteront. Je crois que les sociétés métallurgiques non diversifiées auront peine à survivre.»
Le dur dilemme d'Alcoa est lié aux terres désertiques de l'Arabie saoudite, d'Oman et de Dubaï. Une foule de nouveaux projets de fonderies d'aluminium y sont en voie de réalisation et sont développés, entre autres, par des producteurs chinois appuyés par l'État et par Alcan, récemment achetée par Rio Tinto dont le siège social est à Londres.

La fabrication de l'aluminium exige une quantité astronomique d'électricité, qui peut compter pour le tiers de l'ensemble des coûts. Les nouveaux fondeurs compensent ces frais en tirant profit des champs gaziers présents dans le sous-sol du désert. En 2015, les fonderies du Moyen- Orient pourraient produire de l'aluminium pour 25 % de moins que ce qu'il en coûte actuellement à Alcoa, mentionne John Tumazos, qui dirige Very Independent Research, une maison de recherche sur les métaux.

Qui plus est, le plus grand producteur d'aluminium au monde, le jeune groupe russe United Co. Rusal, songe à installer, dans le cadre d'un plan de dépenses d'investissements de 11 G$ US, une fonderie alimentée à l'énergie nucléaire en Sibérie.

C'était pour contrer la menace que représentent ces producteurs à moindres coûts qu'Alcoa a lancé une offre publique d'achat hostile sur Alcan l'an dernier. Elle espérait ainsi obtenir l'accès au vaste réseau de barrages hydroélectriques d'Alcan, ce qui l'aurait aidée à diminuer ses propres frais généraux. L'offre d'achat prit fin en juillet dernier. Alors qu'Alcoa continuait de proposer 76 $US l'action, Rio intervint avec une offre de 101 $US l'action. Alcoa battit en retraite, indiquant qu'elle ne voulait pas surpayer.

Cible naturelle
Ayant dévoilé publiquement sa propre faiblesse, Alcoa devint une cible naturelle. Des rumeurs circulaient à son siège social, le long de la rivière Allegheny, à Pittsburgh. On murmurait qu'elle serait avalée par la plus grande minière au monde, soit BHP Billiton, basée à Melbourne. On disait également que la brésilienne Cia. Vale do Rio Doce, la deuxième en importance au chapitre de la capitalisation boursière, pouvait être intéressée par ses excellentes réserves d'alumine, un composant essentiel à la production de l'aluminium.

Puis vint le temps des démarches de fusion et d'acquisition audacieuses, mais elles ne touchèrent pas Alcoa. Ainsi, en février, BHP devrait proposer 120 G$ US à Rio Tinto tandis que CVRD réfléchit à sa propre offre de 90 G$US destinée à Xstrata PLC, une société de portefeuille suisse doublée d'un négociant en métaux. En agissant ainsi, ces énigmatiques et immenses entreprises peuvent mieux absorber les coûts de projets miniers tout en imposant des prix plus élevés aux consommateurs.

La grosseur rapporte. En 2002, Alcoa était évaluée à 32,5 G$ US alors que BHP était estimée à 59 G$ US. Aujourd'hui, la valeur d'Alcoa a dégringolé à 26 G$ US, même si elle vient de finir l'année la plus rentable de toute son histoire, tandis que celle de BHP tourne autour de 185 milliards $US.

Complètement tenue à l'écart, Alcoa se demande comment elle en est venue à tenir un rôle accessoire dans les finales du grand jeu minier. Peut-être que sa meilleure stratégie pour survivre consiste à ne rien faire.
Il se pourrait que les prix de l'aluminium, et que le cycle complet des produits de base, subissent un sévère revirement lorsque l'économie américaine provoquera une récession mondiale. Le cas échéant, les entreprises gagnantes seront celles qui auront évité des acquisitions coûteuses et ayant un effet de dilution.

Autrement, il ne reste qu'à attendre et espérer.
«Alcoa vient tout juste de terminer l'année la plus profitable de ses 120 ans d'existence, souligne un porte-parole de la société. Nos marchés et nos divisions sont très vigoureux et nos perspectives de croissance sont excellentes.»
mis en ligne le 19 fev.

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